Lettre de Mme de Brunville adressée à Mme de Castarède, au château de Taillefer

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Madame de Castarède
au Château de Taillefer
Près Pau
(Basses-Pyrénées)



Bagnéres le 5 avril 50

Votre bon et ancien ami, Monsieur de Gageac, désirant vous faire donner de ses nouvelles, Madame, et ne pouvant le faire lui même, désire que je vous parle de lui, et que je vous dise le regret si vif qu'il éprouve; puisqu'il est toujours si souffrant, d'être privé de cette bonne Jouissance. Comme c'est un moyen de me rappeler moi même à votre bon souvenir, je n'hésite plus à le satisfaire, ayant d'ailleurs à vous dire, que malgré son cruel état, il a pu être porté en chaise à l'église, et faire ses Pâques lundi dernier; ce qui est bien consolant; car seigneur! qui est ce qui peut seul, nous aider à supporter nos maux nos cruelles afflictions, si ce n'est la religion et sa sainte pratique! quand surtout, on a le bonheur de tâcher, de ne faire que suivre l'exemple de celui que je pleure, qui ne m'a que précédé, et que je serai un Jour heureuse d'aller rejoindre, aussitôt que le bon Dieu m'en Jugera digne, et trouvera que J'aurai mérité cette faveur. En attendant, car la vie actuelle, est douloureuse et pénible à porter, chère Madame, J'ai bien de la peine à venir à bout de moi, malgré ma volonté de résignation. Mon corps est sur la terre, et mon âme toujours occupée de lui. Il était si bon si bon, et si bien pour moi, la vie et le bonheur, que j'ai bien besoin de ne l'aimer plus, que pour lui seul, en pensant à son heureux sort, pour m'aider à en faire le sacrifice sur la terre.
J'espère que la santé de Madame Votre Mère n'aura pas été trop éprouvée cet hyver et que le retour de la belle saison ne va faire que l'améliorer. et vous Madame avez-vous été encore prise ou reprise par vos vilains rhumes si fatigans, et avez-vous le bonheur d'avoir toujours conservé Monsieur votre fils auprès de vous?
Nos bons voisins ne sont pas trop mal dans ce moment, si leur vis à vis pouvait se remettre comme eux, il serait bien vite en état de pouvoir prendre une Plume pour [vous?] tracer quelques lignes, mais le bon Dieu éprouve comme il lui plaît ses créateurs, et lui, est obligé de se priver de ce plaisir.
Adieu, Madame, partagez Je vous prie, avec Madame votre mère, et Mademoiselle votre fille, l'assurance de ce bon sentiment, d'affectueux souvenir, que l'on vous garde, dès que l'on a eu le plaisir de passer quelques momens auprès de vous.
Serez-vous encore assez bonne pour vous unir à nous vendredi prochain [] cruel et si cruel 12, au st sacrifice de la messe. Recevez-en d'avance tous nos remercimens.

[] de Brunville