Lettre de M. Gleize adressée au Lieutenant Général Comte Harispe, au Palais de la Chambre des Députés

Archive privée inédite
  • Date: 23/10/1831
  • Lieu: Pau (64)

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A Monsieur
Monsieur le Lieutenant Général Comte
Harispe, membre de la chambre des Députés.
au Palais de la chambre des Députés.



Pau le 23 octobre 1831.

Mon Général,

Permettez moi de vous témoigner d'abord mes regrets d'avoir différé si longtems à vous offrir l'expression de ma reconnaissance depuis le prompt succès de vos démarches auprès de Mr le Maréchal pour le maintien de ma résidence à Pau. J'ai été bien vivement touché de l'empressement avec lequel vous m'avés transmis vous même cette assurance, et surtout des motifs que vous avés eu la bonté de faire valoir pour l'obtenir du Ministre. Le travail que j'ai eu l'honneur de vous annoncer (sur la démarcation générale de nos frontières) devait me fournir bientôt l'occasion de vous écrire; mais depuis deux mois un derangement grave survenu dans ma santé m'interdit toute occupation un peu suivie. j'espère cependant que vous le trouverés terminé à votre retour.
Vous aurez sans doute reçu, Mon Général, avec les notes de Mr le S. Intendant militaire, le rapport que je lui ai remis sur le projet de transférer le chef lieu de la Division à Pau. Cet envoi vous a été fait le 20 ou le 21 Septembre. On s'occupe beaucoup ici des chances de succès que peut avoir ce projet, et des avantages si importans que le pays vous devra si ce changement s'opère. Vous aurés par ce moyen préservé la ville de Pau d'une ruine inévitable, et assuré pour l'avenir sa prospérité et son accroissement. Il serait d'ailleurs assez juste que le Ministère de la guerre vint à son secours, quoique les dépenses de la caserne n'ayent pas été la seule cause du délabrement actuel de ses finances.
Si de nouveaux renseignemens vous étaient nécéssaires pour appuyer de toute votre influence la demande dont il s'agit, nous nous empresserions de les découvrir et de vous les transmettre. Il me parait impossible que le Ministère ne soit pas frappé des nombreux avantages de cette mesure, dont la nécéssité est si bien démontrée dans les circonstances actuelles. Nous nous sommes bornés à présenter les considérations les plus saillantes en faveur de cette proposition, souvent renouvellée, et qui n'a probablement échoué que parce qu'elle a manqué de soutien; Il eut été superflu auprès de vous, Mon Général, de m'étendre d'avantage sur l'idée principale, celle de former pour les Pyrénées occidentales une division pourvue de tout, et susceptible d'être mobilisée, au besoin, comme un corps d'armée; d'ailleurs, toutes les campagnes des Pyrénées, et particulierement celles de notre illustre Maréchal, en 1813 et 1814, ont mis dans une assez grande évidence la nécéssité de constituer fortement cette partie du territoire, afin de préparer pendant la paix tous les moyens d'action qu'il est important d'avoir sous la main dans les momens d'urgence.
J'ai comparé dans le relevé ci joint la force des deux divisions des Pyrenées sous le rapport de la population et de la superficie du territoire; les départemens de la 11e auront plus d'étendue et plus d'habitans; mais ce résultat me parait assez proportionné à l'importance respective des deux divisions.
Le changement de destination du chateau éprouvera peut-être quelques difficultés; on le craint du moins, à Pau, depuis qu'on a vu figurer le bâtiment dans le tableau joint au projet de loi sur la liste civile. J'ai peine à croire cependant que, dans le seul intérêt des souvenirs historiques, le domaine royal persiste à vouloir se charger d'une dépense aussi considérable que celle qu'exigerait la restauration, l'entretien du chateau et les frais d'un nombreux Etat major qu'il faudrait y conserver en sinecure. Il me semble d'un autre côté que par le projet d'établir le chef lieu de la division à Pau les vues de la Couronne doivent se trouver parfaitement remplies, car en affectant le chateau à une destination aussi utile on pourrait en réserver la propriété au domaine royal, et les beaux souvenirs que rappelle ce monument ne perdraient rien de leur mérite s'ils se trouvaient placés sous la sauvegarde d'un Lieutenant général qui joindrait au titre de Commandant de la division celui de gouverneur, pour le Roi, du chateau d'Henry IV. par ce moyen, la liste civile conserverait les honneurs de la possession, sans en avoir les charges.
Veuillés remarquer aussi, Mon Général, que par un vice inhérent à la circonscription actuelle, si le domaine royal conservait en même tems le chateau de Pau, on se trouverait obligé dans beaucoup de circonstances de maintenir dans la 11e division trois Lieutenans Généraux, c'est à dire autant qu'elle a de départemens; Cette proposition ne manquerait pas de faire un grief au Ministère de cette profusion de dignités; il n'en faut qu'une en effet pour les cinq départemens de la division projetée, et nous avons l'espoir que le choix que fera le Ministère pour occuper cette haute fonction sera parfaitement d'accord avec les voeux de l'armée et surtout avec ceux du Pays.

Veuillés agréer l'assurance du profond respect
et du dévouement avec lesquels j'ai l'honneur
d'être, Mon Général,

Votre très humble et
très obeissant serviteur
Le chef de baton du Génie

Gleize

P.S. Voudrés vous me permettre de rappeler à votre souvenir la note qui vous a été remise par Mr Pélat, tendant à améliorer sa position si les ordonnances ne s'y opposent pas. Vous connaissés les services rendus, à toutes les époques, par ce brave et loyal officier dont le zèle est au dessus de tout éloge. il compte sur votre bienveillance.