Lettre de M. et Mme Lajard adressée à A. Lajard, à Paris (75)

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Monsieur A. Lajard
rue Jacob 15.
Paris.



Dimanche 23 Mars 1862

J'ai à répondre, mon cher enfant, à tes deux lettres du 15 et 18 ct. Je m'étonne que la mienne écrite à pareil jour de l'autre semaine ne te soit parvenue que le mardi; dans tous les cas il n'y a pas grand mal. Je vois avec plaisir que tu reconnais la difficulté que nous avons à te dire souvent quelque chose d'intéressant; j'ajouterai pour t'engager à ne pas t'autoriser de la rareté de nos lettres afin de nous imiter, que nous sommes deux ici dont l'un aumoins ne te laissera rien ignorer de ce qui pourrait t'intéresser, si l'autre était empêché par quelque cause que ce soit; tandis que tu es seul à Paris, et qu'un silence prolongé de ta part nous donnerait certainement de l'inquiétude. Conclusion: Ecris souvent, toutes les fois que tu en auras le temps; et si nous ne te répondons pas éxactement, sois convaincu que nous n'avons rien d'essentiel à te dire. Tu as dû voir Honoré jusqu'à ce moment; il t'a dit sans doute que notre mairie est désorganisée, et que l'on éprouve un certain embarras pour la reconstituer: cela n'est, il est vrai, pas facile surtout si l'on tient à contenter tout le monde, en haut et en bas. Pour moi, je regrette beaucoup Mr Bié, et je crains qu'on ne le regrette beaucoup plus tard. Il ne paraît pas qu'il y ait eu rien de religieux dans les contrariétés qui l'ont décidé à donner sa démission, à moins que ce ne soit l'affaire de notre curé. Tu sais sans doute, car, si je ne me trompe, cela s'ébruita avant son départ, que ce brave curé crut tout simple de détourner au profit du pensionnat, et pour dépenses utiles, une somme de 800 f qui revenait à l'Hospice. On crut devoir passer l'éponge sur cette très grave irrégularité en faveur des bonnes intentions du délinquant, et le maire s'y prêta; mais cela se produisant à la même époque que les scandales de Mont de Marsan, a dû trouver le Préfet mal disposé, et peut être motiver quelques réflexions peu aimables - D. pourra t'en dire là dessus plus long que moi. La question du jour est le remplacement des démissionnaires, et cela fait beaucoup jaser. Pour moi, je m'en occupe peu, bien décider à donner un loyal concours à tout maire qui voudra le bien de la commune, et bien décidé aussi à me borner au simple rôle de conseiller. Tu crois, monsieur l'Avocat, que ma pétition au Préfet pour les arbres ne réussiras pas; et moi, je crois qu'elle réussira; et voilà les motifs sur lesquels je m'appuie. 1° Ces arbres ont été plantés en 1831, époque où l'administration n'avait pas complanté la route, et où elle poussait les riverains à planter; 2° ils sont sur notre terrain et non sur celui de l'état; 3° ils ne sont pas sur la route, mais en contrebas, à plusieurs mètres de l'arête de la route; 4° ils sont si peu sur la route, que l'admon a planté elle même sur l'arête, aux places accoutumées, et que, si elle en avait eu le droit, elle aurait fait couper nos arbres pour faire réussir les siens. Je te le répète, j'ai bon espoir; et au surplus si nous ne réussissons pas, nous en aurons le coeur net, et nous n'y penserons plus.
Rien de nouveau par ailleurs - Nous n'avons plus de disponibles que 80 H de froment, le reste est vendu aux Etablissts à 29 & 30. f moulu. La baisse, si elle a lieu, ne nous atteindra donc que bien légèrement. Nos maïs ont été écoulés au détail, et nous en achetons maintenant pour maintenir le courant des moulins.
La première lamproie a été prise et mangée hier. Elle était fort bonne, et j'ai regretté pour cela ton absence. Cette nuit il ne s'en est pris aucune. Je crains bien que, cette année, cette branche de nos revenus ne soit bien maigre. Il n'y a presque pas d'eau à l'Adour, et si cela continue le poisson ne pourra pas monter. Depuis une quinzaine de jours il pleut à peu près quotidiennement, assez pour gêner les travaux de terre, pas assez pour grossir notre fleuve. Le Carême se prolonge plus tard qu'à l'ordinaire, et il se pourrait qu'à la fin la pêche fut productive; mais je doute que la caisse s'enfle beaucoup des ventes de cette année. Pilhac poursuit ses idées de mariage, et la conclusion paraît fixée après Pâques. Lorsqu'il sera établi, et s'il renonce à ses habitudes d'ivrognerie et de disputes, le dimanche, on pourra peut être renouveller les démarches faites autrefois pour lui faire avoir une médaille de sauvetage. Quand tu seras ici, mon ami, tu pourras t'occuper de cela, et dresser les informations nécessaires. Je te réserve cette satisfaction.
Le mauvais temps de tous ces jours m'a empêché d'aller à Verlus cette semaine. Je me doute qu'on n'a pu y faire grand chose. Les vignes étant taillées et échalassées, il n'y a qu'a terrer et par la pluie, c'est impraticable. L'avoine grêlée, j'espère, donnera cette année une récolte. Jusqu'à présent elle nous a été d'un très grand secours comme pacage; on y a mené les animaux tous les soirs pendant une heure, et ils s'y hartaient facilement. Je pense aussi que nous y ferons le nécessaire avec nos propres moyens, et que nous n'aurons pas besoin de recourir aux talents de quelqu'un qui se mêle d'assez de choses, sans qu'il soit besoin de l'immiscer là où il n'a que faire.
Le [] qui se propose d'acquérir les bains n'est pas celui que tu crois: c'est celui de l'Evêché à qui nous avons accordé un pont sur le canal moyennant 150. f, & qui trouverait là une décharge commode et trés à portée de chez lui. Quant au paiement il n'y a pas à s'inquiéter - Seulement il faut s'entendre sur le prix. Rivière a estimé cela 3 m f.
Le mariage de Cécile Olléris paraît être tombé à l'eau - On a détourné le jeune homme par des cancans ou des révélations, je ne sais. Ces demoiselles ne paraissent plus. On ne les voit plus, seulement on les entend parfois le soir.
Je pense, mon ami, que le quartier latin est revenu au calme plat, et qu'on n'y songe plus qu'à travailler et suivre éxactement les cours. C'est ce que je lui souhaite avec la Bénédiction de monseigneur.
Adieu, mon ami, je laisse la plume à Palmyre qui te dira le reste, s'il y en a, et je t'embrasse tendrement.

Ton père

L

Mon cher Albert J'ais reçu la derniere chemises que j'ai donné à la couturiere si tu en a d'autre tache de me les envoyér le plutot possible pour te les renvoye toutes a la fois J'ai donne de nouvelles entruction pour les col j'espére que tu sera content. Tu te pland que le col de la chemise n'est pas fort je le [] tres bien j'avais pris de la grosse toile et comme tu voulais quatre double en faisant les arrière point il a été impossible de faire percer j'ai fait acheter du calico très gros et fais changer les manchete qui ne pouvait pas se lisser je n'ai pas jugé a propos de faire changer le col mais toute les chemise seront comme les manchette il y a quatre double
[en cours de transcription]