Lettre de P. Roudière adressée à la veuve Roudière, à Saint-Jean-de-Luz (64)

Archive privée inédite
  • Date: 16/09/1838
  • Lieu: Paris (75)

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[La transcription peut comporter des erreurs]


Madame
Madame Vve Roudière
St Jean-de Luz
Basses Pyrénées



Paris 16 Septembre 1838

Ma chère maman,

Pardon si je suis resté un peu plus de temps qu'à l'ordinaire, pour t'écrire, mais, mes occupations ont été tellement grandes & puis comme je tenais aussi a te contenter pour que tu n'eusses plus à me faire les mêmes reproches que dans ta dernière lettre, j'ai préféré retarder de quelques jours, & attendre un dimanche pour t'écrire posément.
Aujourd'hui je veux croire que si ma lettre n'est pas mieux écrite qu'a l'ordinaire, du moins tu n'y trouveras de ces fautes grossières, qui viennent de ce que je ne relis jamais mes lettres une fois que je les ai écrites. Quant au style je ne m'évertuerais pas non plus à dire de beaux mots qui, comme tu me le dis ne signifient rien du tout, mais puisque j'ai le temps je cherchai à faire suivre mes phrases.
Quoique dimanche, je viens de travailler jusqu'à midi avec mon patron; & après avoir dejeuné, je suis allé chez mon oncle, d'où je t'écris. Je ne sortirai point aujourd'hui avec Herminie, le temps est mauvais, ainsi que pourrai-je faire de mieux que d'écrire à ma bonne maman, qui je suis sûre est déja inquiète. Tu dois avoir été contente de voir Me Mariani, puis Dasconaguerre, qui t'auront donné de mes nouvelles. Je sais tres bien avec quelle plaisir nous attendions tous l'arrivée des personnes qui venaient de Paris & qui avaient vu mon oncle & Herminie. Lorsque je me rendis au bureau des diligences pour remettre ma lettre à Dasconaguerre je vis 2 de nos St Jean de luzien, Harriet & Verduco. Il est probable que je ne les reverrai plus de bien long-temps ils demeurent dans un quartier excessivement éloigné du mien. Tu ne saurais croire combien je suis devenu lourd. Moi qui avant ne pouvais pas rater un instant à la maison, hè bien maintenant, les dimanches lorsqu'il fait tant soit peu mauvais temps, je reste chez mon oncle toute la journée sans sortir un instant.
Avant-hier je suis allé voir les bayadères ce sont des indiennes, qui dansent, mais d'une manière toute à fait different à celle de nos danseuses. Elles ont un anneau au nez, et l'air que chant un des hommes tandis qu'elles dansent est toujours sur la même note. C'est avec mon oncle & Herminie que j'y suis allé. Passant tous les jours devant le theatre ou elles dansaient et voyant depuis plus d'un mois leur nom affiché, je n'ai jamais été tenté d'entrer pour les voir. Pourtant je ne suis pas faché d'avoir profité de l'occasion d'avant hier.
N'ayant pas ta lettre sous les yeux je ne puis y répondre comme je l'aurai désiré. Pourtant je crois que tu me parles de M. Lataille. Je le vois tous les jours, puisqu'il dine aussi à Ventadour avec mon oncle. Il est un peu brusque mais très bon homme. Je suis allé aussi une fois chez le docteur Larroque. Mais comme c'est les jeudis soirs que mon oncle & Herminie y vont, je n'ai pu y retourner, ne sortant presque jamais le soir. Ensuite je m'y étais ennuyé; il y avait des jeunes gens qui jouaient à la bouillotte, & une table a cote ou l'on jouait encore, & comme je ne connais ni n'ai aucune envie de connaître les cartes, je me suis fort ennuyé depuis 8 heures jusqu'a minuit; ce qui n'empêche pas que si j'avais pu disposer d'une soirée d'un autre jeudi, j'y serai retourné.
Nous n'avons pas depuis quelques jours des nouvelles d'Adrien. Pour Eugène, je suis allé hier soir chez lui pour lui dire de passer aujourd'hui chez mon oncle, qui trouve encore une place pour lui. Nous allons voir encore comment il va prendre cela. Le fait est que depuis quelques temps il est occupé, mais on ne sait pas ou, car il ne dit à personne ce qu'il fait.
Adieu ma chére maman je vais te laisser, embrasse Leon; mon oncle mes tantes n'oublie pas non plus mes cousins.
Ton fils qui t'embrasse un million de fois

P. Roudière

Leon fait il beaucoup de progrès dans l'espagnol & sur le piano ?

Hier ma lettre n'a pas pu partir. Je ne sais, chère maman, si malgré le désir que j'avais de te satisfaire, mon écriture sera tres lisible mais c'etait chez mon oncle [] une tres mauvaise plume que j'ai écrit. Ainsi passe encore cette fois-ci.

Adieu mille millions de baisers

P. Roudiere