Note de M. Lacroisade pour Barthelemi Lassus

Archive privée inédite
  • Date: 28/12/1863
  • Lieu: Pau (64)

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Note pour le sieur Barthelemi Lassus proprietaire et maire demeurant à Aast
C'est aujourdhui une regle consacrée tout à la fois par la jurisprudence, des tribunaux, et par la doctrine des auteurs les plus recommandables qui ont commenté larticle 546 du code napoleon, « que les francs bords du canal dun moulin ne sont pas presumés appartenir légalement, ou de plein droit au proprietaire de lusine, et que celui-ci ne peut invoquer qu'une presomption simple qui, de sa nature, cede à la preuve contraire. »
Il se concoit en effet que dans lorigine le canal ou bief du moulin ait eté établi par convention avec les proprietaires des fonds qu'il traverse, sans que pour cela ces proprietaires aient voulu concéder des francs bords: Des lors, les questions de prescription, ou de propriété de ces francs bords restent sous lempire des faits possessoires soit de la part des riverains, soit de la part du proprietaire du moulin lui meme, et il ne sagit plus que de savoir le quel dentr eux etablit les faits possessoires les mieux caractérisés.
(cour de cassation Sirey tome 46 - 1 - 380
Daviel cours deau tome 2 nos 837 et suivants
Troplong - prescription tome 2 nos 243 et suivants)
Cela posé, et si on plaidait au pétitoire, nul doute que la question de la propriété des francs bords ne dut être resolue en faveur du sieur Lassus, car, de tous les temps, la possession de ce dernier et de ses devanciers, comme proprietaires de la piece de terre appellée champ du moulin qui est riveraine du canal damenée du moulin dit de vigné, sest étendue jusqu'au fil de leau, soit par la fauchaison des herbes et buissons excroissant sur lesdits francs bords, soit par la culture quand la terre etait ensemencée en froment ou autres cereales.
Indépendament de cette possession constante, paisible, exclusive, le sieur Lassus peut invoquer le cadastre de la commune et le paiement des impositions.
Devant la justice de paix, il ne peut être question de la propriété, mais la possession antérieure à la derniere année qui seule peut faire lobjet du possessoire, est toujours de nature à avoir son influence, en ce sens qu'elle demontre bien qu il n'y a pas eu de surprise, et que cest bien à titre de maitre que le sieur Lassus a possédé, car, qu'elle apparence, sil n'eut pas le maitre des francs bords, comme du restant de la piece dite champ du moulin, que le sieur vigné (michel) ne leut pas interrompu dans cette possession, qu'il lui eut laissé couper non seulement les herbes, qui croissaient sur la limite extreme du franc bord, mais encore les essences boiseuses !
qu'elle apparence que dans les trente années qui ont précédé laction, le sr vigné, s'il se fut cru le maitre des francs-bords, n'eut pas une fois ou autre, coupé ou fait couper ces herbes et ces essences !
Il est vrai qu'a deux époques lune remontant a 16 ans, et lautre a six, le dit sieur vigné jeta une partie des terres provenant de la curaison du canal sur la bordure du champ dit du moulin, mais ce ne fut pas à titre de droit, ce fut au contraire à tître de bon voisinage et apres convention que ces terres pourraient être enlevées par Lassus qui pourrait les repandre sur sa proprieté.
Ce qui prouve la realité de cette convention verbale, c'est lexécution qui lui fut donnée, car Lassus sempressa denlever ces terres et de les répandre sur le champ dit du moulin; il n'en faut pas davantage pour justifier que ce jet de terre n'eut lieu que par simple tolerance du sieur Lassus, et par suite de la familiarité ou du bon voisinage qui regnait entre lui et le dit michel vigné.
Il est evident que le jet de terre, ainsi expliqué, aux époques lointaines qu'on vient de preciser ne peut avoir aucune influence en faveur du sieur vigné pour la question du possessoire, alors surtout qu'il n'est pas denié et qu'il ne peut letre, que toujours depuis lors et chaque année, Le sieur Lassus, a joui exclusivement jusqu'au fils de leau de toutes les essences végétales et boiseuses excrues sur les francs bords.
Si encore les terres provenant de la curaison n'eussent pu être jetées que sur le champ du sieur Lassus, le sieur michel vigné aurait pu invoquer, pour lexercice de cette espèce de servitude, la raison tirée de la nécessité, mais tel n'est pas le cas, car il est proprietaire sur la rive droite, cest a dire en face de la piece de terre dite champ du moulin appartenant au sieur Lassus, et par consequent rien ne lempechait de jeter sur son propre fonds les terres provenant de la curaison du canal.
Enfin et en supposant qu'il eut un titre authentique ou sous signature privée qui lui eut accordé ou reconnu le droit de servitude connu sous le nom de jet de pele il est évident que ce droit ne pourrait être exercé qu'a la condition de ne pas contrarier le droit du sieur Lassus de jouir de toute sa pièce de terre dite champ du moulin, jusqu'au fil de leau en semant des céreales, ou en recueillant toutes les utilités dont le sol des francs bords est susceptible, et cependant il se manifeste que ce dernier droit serait stérilité, si après avoir jeté la terre le dit vigné ne lenlevait pas ou n'autorisait point le sieur Lassus a se lapproprier comme il la fait dans les deux circonstances qui ont ete signalées.
Le sieur Lassus doit donc être maintenu dans sa possession de la bordure de la piece de terre du coté du canal damenée du moulin, et si contre toute attente il etait produit par son adversaire un acte quelconque qui put lautoriser a jeter sur cette bordure une partie des terres provenant de la curaison du canal, ce ne pourrait jamais être qu'a la condition de len retirer dans un delai moral, ou de la laisser enlever par le sieur Lassus qui en ferait son utilité.

Pau le 28 xbre 1863

Lacroisade


[pièce jointe]

Observations complémentaires
Le soussigné Lassus, observe que la curaison exercée par le sieur Vigné à l'époque précitée remontant à 16 ans, ne peut nullement être l'objet d'un droit de servitude, attendu que le dit Vigné avait vendu à la famille Lalanne alors propriétaire d'une partie de mon champ, la terre provenant de la curaison, et que ce fut la famille Lalanne qui opéra la curaison après avoir fait l'acquisition de la terre.
Il offre encore a donner des preuves que depuis cette époque, la curaison a été oppérée du côté de la rive droite du canal soit par le jet de la pêle, soit à l'aide de charrois attélés de vaches que l'on introduisaient dans le canal par des passages préparés à cet effet.

B. Lassus