Signification d'une réponse à une requête remonstrative et à des défenses (concerne Jean Lecheaux-Douillet, Anne d'Aire de Nozeilles et Louis Tastet)

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  • Date: 14/11/1756
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REPONSE

A la Requête remonstrative de la
Dame de Nozeilles du 29. Juin
dernier, & aux defenses du sieur
Tastet, dit Dabion.

POUR le sieur JEAN LECHEAUX-DOUILLET.

CONTRE Dame Anne d'Aire
de Nozeilles, & contre Loüis
Tastet, dit Dabion.

LA Cour est déja instruite, qu'il s'agit de juger contre un tiers opposant, si le fonds dont est question est Domanial, ainsi que son jugement du 14. Avril 1741. la clairement decidé sur la tête de Loüis Tastet, possesseur de ce fonds ; ou si au contraire la dominité utile en appartient à la Dame Partie adverse qui la reclame par opposition au jugement rendu contre ledit Tastet.
Voilà la prétention de la Dame de Nozeilles & l'objet de son opposition. Mais elle s'embarrasse fort peu de l'établir. Elle reclame la proprieté utile du fonds, mais elle se croit dispensée de la preuve ( qui doit resulter d'un titre de concession & d'inféodation, ou tout au moins de quelque Reconnoissance ou dénombrement qu'elle en ait fourni ) sous prétexte qu'elle veut qu'il faille présumer tout cela en sa faveur, pour rejetter sur l'Exposant la preuve du contraire, c'est-à-dire de la Domanialité, sans égard pour le jugement qui la prononce, ni à la présomption naturelle qui est toûjours en faveur du Domaine : Et cela encore malgré la Loi qui assujettit tout tiers opposant à prouver la prétention qui forme l'objet de son opposition.
La Dame Partie adverse imagine même quelque chose de plus fort. Elle soutient aujourd'hui que l'Exposant est non recevable, non-seulement à établir la Domanialité, mais encore à poursuivre à cet égard aucune action. 2°. Qu'en tout cas l'Exposant y seroit tûjours mal fondé.
Ce n'est donc pas assez aux yeux de la Dame de Nozeilles qu'elle ait voulu d'un côté que l'Exposant fournit la preuve de la Domanialité, pour la dispenser de celle qu'elle est elle-même tenuë de fournir de la prétention qui donne lieu à son opposition? Comme elle a très-bien senti que cette preuve de Domanialité resulte des actes du Procès, elle ne veut plus que l'Exposant soit personne legitime à s'en servir & à l'opposer. C'est-à-dire, qu'elle voudroit en être quitte pour sa seule opposition, & qu'elle ne voudroit aucun contradicteur pour pouvoir la faire vuider en sa faveur.
C'est sans doute dans cette idée & dans l'espoir de n'en avoir plus, qu'elle s'obstine tant à soutenir l'opposition frivole qu'elle a hazardé. Mais elle verra bien-tôt qu'elle doit en trouver un necessaire & bien legitime dans la personne de l'Exposant, elle verra encore que plus on examine son opposition, plus on la trouve depourvuë de tout fondement.
C'est ce dont on va se convaincre en discutant son opposition & les exceptions qu'elle propose contre l'Exposant pour l'établir.
D'abord la Dame de Nozeilles oppose une fin de non-recevoir qu'elle fonde, dit-elle, sur ce que, 1°. Il n'y a que le Procureur du Roi qui puisse intenter & poursuivre les actions Domaniales. Tout autre que lui ne le peut, qu'autant qu'il se trouveroit avoir quelque droit dans la chose. 2°. Sur ce que l'Exposant par l'expiration de son Bail, a cessé d'avoir interêt & qualité dans la discussion de ce Procès comme il l'a crû lui-même, & que dans cette créance il a demandé un simple droit de Fief.
Enfin l'Adversaire oppose que l'Exposant ne peut être reçu à corriger cette demande & l'erreur qu'y a donné lieu.
Tous ces raisonnemens peu réfléchis & mal concluans partent du seul desir qu'a la Dame de Nozeilles, de n'avoir aucun contradicteur qui lui dispute la proprieté utile qu'elle reclame. Aussi est-il facile de les détruire.
D'abord il s'agit d'une restitution des fruits & loyers depuis l'induë occupation du fonds. Le jugement attaqué en prononce la condamnation contre le sieur Tastet, comme possesseur de ce fonds. La Dame Partie adverse peut-elle contester qu'ils n'appartiennent à l'Exposant jusques & inclus le dernier de Decembre 1750. jour de l'expiration de son Bail? Voilà comme l'Exposant a un droit réel dans la chose, qui selon le propre raisonnement de l'Adversaire suffit pour le rendre personne legitime à contester la proprieté utile qu'elle prétend, & à soutenir par même moyen la Domanialité.
D'autre côté, la Dame Partie adverse peut-elle m'éconnoître le droit que l'Exposant a par son Bail, de vendiquer ou faire reünir au Domaine les parts & portions qui s'en trouvent usurpées ou recelées, & les arrerages qui lui ont été accordés des Domaines qui seroient réünis à sa diligence? L'Exposant est donc en droit & a un interêt bien sensible à soutenir la Domanialité contre la prétention de l'Adversaire, qui ne justifie d'aucun titre qui ait separé la Dominité utile avec la Directe.
Peu importe que l'Exposant ait crû mal-à-propos qu'il n'avoit plus d'interêt au Procès, & qu'il cessoit d'en être Partie par l'expiration de son Bail, & que dans cette opinion il ait demandé un simple droit de Fief. Cette fausse créance ne nuit point à la vérité ni n'a pû changer ou detruire l'état des choses aux termes de la maxime, falsa opinio non praejudicat veritati.
Déja en 1740. qui est l'époque de l'exploitation des Beaux de l'Exposant, le sieur Tastet fut attaqué en délaissement sur le fondement de la Domanialité du fonds qu'il joüissoit. Il intervint jugement le 14. Avril 1741. qui déclare la Domanialité sur la tête de ce Possesseur, & le condamne au délaissement avec restitution des fruits ou loyers. Ce jugement fut acquiescé & executé. Ce Possesseur vuida en consequence la possession dans les suites & durant le cours du Bail de l'Exposant, la Dame Partie adverse imagina d'y former apposition, au prétexte que la proprieté utile lui en appartenoit, & intima à ce sujet l'Exposant, il y eut diverses procedures jusques au dernier Decembre 1750. qu'expira le Bail de l'Exposant.
N'étoit-il donc pas vrai que l'Exposant avoit toûjours interêt, malgré l'expiration de son Bail, à soutenir la Domanialité du fonds, puisque de là dépendoit la restitution des fruits qu'il en avoit obtenu contre le Possesseur?
N'étoit-il pas vrai encore que l'Exposant, malgré l'expiration de son Bail, étoit toûjours partie legitime & même nécessaire dans la discussion de la Domanialité que la Dame de Nozeilles a fait revivre par l'opposition qu'elle a formé pendant le Bail de l'Exposant? Ce qui a suffi à la conservation du droit de l'Exposant qui ayant été une fois engagé dans le Procès, lui demeure entier pour le faire valoir même après l'expiration de son Bail.
Cette verité subsiste donc toûjours malgré l'opinion contraire qu'en eut d'abord l'Exposant à la fin de son Bail & qui l'a induit à demander un simple droit de Fief qui n'a jamais eu lieu pour n'avoir jamais été établi. Mais l'Exposant a reconnu son erreur, & il la corrige. Rien ne peut faire obstacle à cette correction, parce qu'elle est de Droit : si quis aliud pro alio intenderit, errorem fuum corrigere ei permittitur, porte le texte des Institutes.
On est en effet reçu en tout état de cause à corriger les Libelles. On peut changer sa demande, ou en former de nouvelle dans tout le cours du Procès, & cette variation ou correction n'a rien de derisoire qu'aux seuls yeux de l'Adversaire qui craint avec raison la discussion & le succès infaillible de la Dominalité comme funeste à son opposition & à sa prétention.
D'ailleurs qui ne sçait que le Domaine de la Couronne ne peut d'aucune maniere souffrir de l'opinion d'un Fermier, pas même de l'abandon qu'il feroit de la Domanialité d'un fonds qui en dépendroit. Comme son droit est sacré, & qu'il y a des Juges établis à sa conservation, dès-qu'il paroît, ils doivent être soigneux à le maintenir & à le conserver comme un dépôt qui leur est confié. Il a été toûjours si précieux aux yeux du Tribunal où ce Procès est pendant, qu'il n'y a pas eu lieu de craindre que dans cette occasion il ralentisse son zéle & l'attention dont il n'a cessé de donner des preuves.
La fin de non-recevoir une fois détruite, il reste à voir si la Dame Partie adverse est fondée dans la proprieté utile qu'elle reclame.
C'est par-là qu'il faut commencer, puisqu'elle est tenuë de la prouver, sans quoi son opposition est temeraire & mal fondée. Il est donc préalable d'examiner si l'Adversaire en a quelque Titre qui la prouve, avant que l'Exposant puisse être tenu d'établir le contraire par tout ce qui justifie la Domanialité. Car si la Dame de Nozeilles n'a pas de Titre de cette pretenduë Dominité utile dont elle se pare pour faire renverser le Jugement du 14. Avril 1741. il sera vrai de dire que le fonds est Domanial par la seule raison qu'il n'y a jamais eu d'aliénation du Domaine utile.
Sans compter qu'independament de cet avantage qu'offrira le défaut d'un pareil Titre, on a celui de trouver au Procès de quoi établir invinciblement la Domanialité, non-seulement par les actes qui l'indiquent ou la justifient, mais encore par des consequences qui resultent necessairement des moyens & des actes que l'Adversaire employe pour la combattre.
La Dame Partie adverse dit que la Domanialité ne peut point subsister depuis l'aliénation qu'elle suppose avoir été faite du Domaine utile du Moulin & maison en dependant.
Mais comment conste-t'il de la separation des deux Dominités & où est le Titre de l'aliénation du Domaine utile de ce fonds?
On sçait que ce Titre doit ni ne peut être autre qu'une concession ou Inféodation de la propriété utile moyennant quelque Redevence pour signe de la Directe, ou sous la prestation d'hommage. Mais il n'y a rien au Procès qui ait trait à cette Concession ou qui l'établisse. Non-seulement la Dame de Nozeilles n'en rapporte aucune Inféodation, elle ne peut pas même justifier qu'il ait été jamais rendu d'hommage ni fourni quelque denombrement de ce Moulin & Maison, ni que personne en ait jamais consenti Reconnoissance, comme cela auroit été fait infailliblement dans un tems ou autre, s'il étoit aussi vrai que l'Adversaire se le figure, que la proprieté utile lui en a été alienée & inféodée ou à quelqu'un de ses auteurs.
Il ne paroît pas même qu'on ait jamais payé quelque Redevence ni aucun Droit du Fief pour raison de ce fonds. Quoiqu'un pareil payement eut toûjours été incapable de donner atteinte à la Domanialité, il n'en conste d'ailleurs par aucune Quittance que le Possesseur n'auroit pas manqué d'en retirer.
La Dame de Nozeilles dira-t'elle que les Fermiers ignoroient l'assujettissement de ce fonds, & que c'est la cause qu'ils n'en ont jamais perçu aucun droit de Fief.
Mais le sieur Balade n'ignoroit pas du-moins ce prétendu assujettissement, puisqu'il a été le premier Fermier qui se soit avisé d'imposer un Droit de Fief sur un fonds Domanial, en vûë de le rendre patrimonial en faveur d'un tiers. Cependant il ne paroît nulle part, que ce Fermier ait jamais exigé ce prétendu Droit de Fief, ni qu'on lui en ait fait aucun payement, non plus qu'aux Fermiers qui sont venus après lui ; ce qui prouve aussi, ou que le procedé du sieur Balade, dans la piéce qu'on produit de sa main, du premier Septembre 1696. est une veritable collusion, ou que cette piéce est évidemment supposée, puisqu'elle n'a jamais eu d'exécution.
Et il y a d'autant plus lieu de le croire, qu'il y s'agit principalement de cession du Droit de Prélation en faveur de l'acheteur lui-même ; comme si le Retrait, dans les cas & les lieux où il est cessible, pouvoit être utilement cedé à l'acheteur.
Lorsqu'on ne veut pas dépoüiller l'acquereur, ne suffit-il point de ne pas user contre lui du Retrait, sans qu'il faille encore, pour cela, lui ceder la Prélation, qui ne peut, dans ce cas, lui donner aucun avantage, puisqu'il ne peut retraire contre lui-même? Ne sçait-on pas que les cessions du Droit de Prélation, lorsqu'elles sont pratiquables, ne se font jamais qu'en faveur d'un tiers, pour en user contre l'acheteur?
A l'égard de la déclaration du sieur Balade, concernant le Droit de Fief dont il y parle, elle ne peut être prise, ni regardée, que comme un Cens d'ignorance, un Fief imaginaire, qui n'a ni cause, ni principe, ni aucune espece de fondement.
D'ailleurs ce n'est pas le seul vice qui accompagne cette piéce. Elle est sous le seing privé, & par conséquent extrajudiciaire & rejettable, comme l'Exposant l'a déja fait observer dans ses précedents Écrits.
Quel est donc le Titre que la Dame de Nozeilles appelle si souvent justificatif de la proprieté utile qu'elle reclame? A l'entendre sonner si haut l'Acte qu'elle invoque & qu'elle a produit, on seroit d'abord tenté de croire qu'il caracterise l'aliénation ou la concession du Domaine utile ; mais point du tout : on s'étonnera au contraire, de voir qu'elle indique pour cela la vente pure & simple & à jamais incommutable, du fonds que le petit-fils & héritier de Mr. le Comte d'Harcourt, en consentit à la Demoiselle de Courneau, par Acte du 15. Mai 1696.
La Dame de Nozeilles se seroit-elle flatée de faire illusion à la faveur de cet Acte? Elle a pû pourtant y trouver de quoi la détromper ; car on n'y parle que de vente & de prix, de vendeur & d'acheteur ; & cela n'a rien qui approche du caractere de l'affiévement, où l'on ne parle que de bailleur & de preneur, de concession ou d'inféodation, & de redevance annuelle ou prestation d'hommage, & autres clauses consacrées à l'inféodation.
Quel avantage entend-elle donc tirer de cet Acte? Veut-elle dire qu'il est translatif de la proprieté utile qu'en avoit le vendeur? Mais cela même est absolument insoûtenable & impossible.
Insoûtenable, parce que l'Adversaire ne justifie d'aucune inféodation ; & qu'on a même vû qu'il ne s'étoit jamais fait d'aliénation du Domaine utile de ce fonds.
Impossible, parce que ce vendeur est précisement le petit-fils & héritier de Mr. le Comte d'Harcourt ; & l'on sçait que son ayeul étoit Seigneur Engagiste de la Vicomté de Marsan, & qu'en vertu de son engagement, il avoit réüni le fonds dont s'agit au Domaine du Mont-de-Marsan, & que posterieurement au resillement qui fut fait de cet engagement, par l'Édit de 1667, son héritier a fait vente de cette portion du Domaine. Le vendeur ne pouvoit donc avoir la proprieté utile de ce fonds, non plus que son ayeul, qui n'en avoit joüi depuis la réünion qu'il en fit au Domaine, & jusques au resillement de son engagement, qu'à Titre de Seigneur Engagiste ; qualité qui étoit bien exclusive de celle de Vassal dans le même lieu & en la même personne, parce qu'on ne peut relever de soi-même.
La Dame Partie adverse est donc forcée de convenir, qu'elle n'a ni peut avoir un Titre qui lui attribuë, non plus qu'à ses auteurs, la proprieté utile du fonds dont s'agit ; & il n'en faut pas d'avantage pour la faire débouter de son opposition.
Cependant pour ne laisser rien à desirer, & faire reste de raison à l'Adversaire, l'Exposant établit surabondamment la Domanialité de ce fonds, par les Actes remis au Procès.
La Dame de Nozeilles a cherché inutilement à déprétier la preuve invincible qui en resulte. Il lui plaît de la regarder comme insuffisante, pour avoir le prétexte de vetiller sur le défaut de remise de l'Acte d'engagement du sieur Joncas, & de celui de la revente qu'il fut forcé d'en faire à Mr. le Comte d'Harcourt, le 12. Mars 1657. ausquels elle témoigne qu'elle se rendroit volontiers s'ils étoient rapportez, parce qu'elle sçait bien que ces Actes ayant été retirez par Mr. le Comte d'Harcourt, lors de la revente qu'il força le sieur Joncas de lui faire du fonds dont s'agit, & que le premier de ces Actes ayant resté au pouvoir & dans sa famille, & le second remis entre les mains de la Demoiselle Courneau, ainsi que l'Acte du 22. Mai 1652. & celui du 15. Mai 1696. en font foi ; il seroit difficile & même impossible à l'Exposant de les tirer des mains des détempteurs, qui sont précisément les auteurs de la Dame Partie adverse, interessez par conséquent à les retenir & à les cacher.
Car quelle apparence qu'ils ayent voulu fournir des armes contre l'Adversaire leur ayant cause? La Dame de Nozeilles s'en est si fort flattée, qu'elle a crû, dans cette confiance, qu'elle pourroit hazarder une opposition.
Mais la Dame opposante doit reflechir que la remise n'en est pas si nécessaire qu'elle se figure, pour établir la Domanialité, non-seulement parce que les Actes remis au Procès en constatent l'existance, & suppléent parce moyen au défaut de remise, mais encore parce qu'ils sont eux-mêmes suffisans pour établir cette Domanialité.
Car qu'on examine la Procuration du 24. Décembre 1651. & l'Acte de requisition du 22. Mai suivant. Ces actes ne parlent que de l'engagement du sieur Joncas, & ils n'ont été faits que pour forcer cet Engagiste du Domaine à faire revente du fonds engagé, à remettre son Contrat d'engagement, & en accepter le remboursement.
Voilà l'unique motif de ces Actes, & des démarches qui furent faites en consequence. Tous se rapportent à cet engagement, & ne sont proprement que l'exercice de la faculté que le Seigneur Engagiste de la Vicomté de Marsan avoit reçû, de réünir au Domaine de ladite Vicomté, les parts & portions qui en étoient engagées, & de rembourser les Engagistes du prix de leurs Contrats d'engagement.
Il est vrai que l'engagement de la Vicomté, en faveur de Mr. le Comte d'Harcourt, ne parle pas du sieur Joncas, ni d'aucun autre Engagiste en particulier. Mais il étoit nécessairement compris dans la généralité de l'expression de cet Acte, puisque ce fut en conséquence qu'il fut forcé, par l'Engagiste de la Vicomté, de souffrir la réünion qui fut faite au Domaine, du fonds qu'il tenoit, & duquel il s'agit au Procès.
La Dame de Nozeilles a toûjours convenu de cette réünion. Il faut donc qu'elle convienne nécessairement que le sieur Joncas ne pouvoit tenir le fonds dont s'agit qu'à Titre d'engagement du Domaine.
Car qui croira que le sieur Joncas eût pû être contraint, ni qu'il se fût laissé forcer à subir, malgré lui, la réünion de ce fonds, & à s'en laisser ainsi dépoüiller, s'il en eût eu un Titre incommutable, ou si la proprieté lui en eût appartenu?
Car ce n'est pas une aliénation que les héritiers du sieur Joncas en ayent fait à Mr. le Comte d'Harcourt. Elle en convient elle-même. C'est une réünion forcée. Or on ne dépoüille point le proprietaire de son fonds malgré lui, ni même le Vassal, hors le cas d'un achat. Ce n'étoit pas à Titre d'achat que les héritiers du sieur Joncas avoient acquis ce fonds ; mais c'étoit seulement par voye de succession, comme ayant succedé aux Droits de Guillaume Joncas. L'Adversaire en convient encore.
La réünion qui s'en est faite au Domaine, contre les héritiers du sieur Joncas, ne peut donc, d'aucune façon, s'appliquer au cas d'un achat, pour raison duquel Mr. le Comte d'Harcourt eût pû faire la réünion. La Dame de Nozeilles est donc forcée de convenir, que cette réünion doit nécessairement & indispensablement se rapporter au cas d'un engagement pris du Domaine par le sieur Joncas leur auteur, ainsi que les Actes du 24. Décembre 1651. & 22. Mai suivant l'indiquent clairement, & l'établissent même suffisamment.
C'est donc sans reflexion que Mr. le Comte d'Harcourt a qualifié de Retrait Féodal dans le Bail à loyer du 2. Mai 1657. la revente ou réünion qui venoit d'être faite au Domaine, contre les héritiers du sieur Joncas, par l'Acte du 12. Mars 1657. Cette réünion ne pouvoit être regardée comme l'exercice du Droit de Prélation, puisqu'il n'y avoit d'achat, de la part des héritiers du sieur Joncas, qui pût donner ouverture à ce Droit. Il est donc évidamment vrai, que cette revente ou réünion n'étoit proprement que l'exercice de la faculté que Mr. le Comte d'Harcourt avoit reçû par son Contrat d'engagement du 17. Mars 1643.
Après tout, quel avantage la Dame de Nozeilles peut-elle tirer d'une pareille qualification? Car qu'on suppose que ce fût veritablement un Retrait Féodal, il n'en seroit pas moins vrai, qu'il auroit toûjours operé la reversion ou réünion de la Dominité utile à la Directe ; en telle sorte que dès ce moment, & par un effet de cette consolidation, le fonds auroit repris sa premiere nature, & revenu ainsi en la main du Roi ; il s'y trouveroit Domanial, tout comme il y étoit originairement.
Car dans la supposition préalleguée, le Retrait Féodal auroit toûjours eu cet effet, que d'éteindre la dominité utile par la confusion ou la consolidation qui s'en seroit faite, en se réünissant au Domaine d'où elle auroit été separée par l'inféodation : De maniere que ce fonds ou la proprieté utile de ce fonds n'auroit pû ensuite en être détachée que par une nouvelle inféodation, qui n'a jamais eu lieu, puisque ce fonds étoit toûjours en la main du Roi, ou, ce qui est la même chose, en celle de M. le Comte d'Harcourt, son Engagiste, lors de la publication & de l'execution de l'Edit de 1667. qui a résillé son Contrat d'engagement.
Par cet ordre, ce fonds appartenoit toûjours au Domaine, & il n'a pû perdre sa qualité de Domanial, par la vente que l'Heritier de M. le Comte d'Harcourt en fit par l'Acte du 15. Mai 1696. à la Demoiselle Courneau, posterieurement au résillement de cet engagement ; tout le droit de son auteur avoit été emporté par l'Edit de 1667. Ainsi ce Vendeur n'a pû transporter aucune sorte de droit à la Demoiselle Corneau que l'Adversaire représente.
Ainsi de quel côté qu'on envisage les choses, la Domanialité est mise dans tout son jour, & on reste convaincu à tous égards que l'Adversaire n'a aucune sorte de proprieté sur le fonds dont s'agit, & que son opposition est par conséquent mal fondée.
Mais d'où vient, ajoûte l'Adversaire, que le revenu de ce fonds n'a pas été perçu par les Fermiers du Domaine, pas même depuis le résillement de l'engagement de la Vicomté de Marsan?
On répond, 1° Que la négligence d'un Fermier ne nuit jamais au droit du Domaine, dès que la Domanialité d'un fonds paroit ; on en dépouille le Possesseur avec restitution des fruits pour le réünir au Domaine. 2° Que le défaut de cette perception est incapable de produire la preuve dont la Dame Partie adverse a besoin pour établir la patrimonialité qu'elle prétend.
Pour ce qui est de l'Acte du 8. Septembre 1670. il est plus propre à découvrir & à établir la Domanialité du fonds dont s'agit qu'à la combattre, puisqu'il conste de cet Acte que le Fermier du Domaine s'opposa à l'entreprise de l'Agent de M. le Comte d'Harcourt, qui depuis le résillement de son engagement vouloit construire un Moulin à farine sur le local dont s'agit. La construction n'en fut point faite en conséquence, ce qui prouve qu'il n'en avoit aucune sorte de proprieté, puisque le Fermier du Domaine n'auroit pû l'empêcher d'user de la liberté commune que tout Proprietaire a de construire dans son fonds.
Pour ce qui concerne la défense du sieur Tastet, autre Partie adverse, elle se réduit à dire, " Qu'il n'a aucun interêt à prendre ni raison à deduire dans l'instance en opposition qui a été formée par la Dame de Nozeilles : qu'il n'est point Partie legitime dans cette cause : que sa qualité de Locataire la lui rend étrangere : qu'il étoit par conséquent inutile qu'il y assistât, & que c'est mal-à-propos que l'Exposant l'y a traduit : D'où il conclut au rélaxe de l'Assignation qui lui a été donnée à ces fins, avec depens, même au remboursement de ceux qu'il a payez à l'Exposant en execution du jugement de condamnation qui fut rendu contre lui le 14. Avril 1741. "
A tout cela il suffit de répondre, 1° Que les regles de l'ordre judiciaire ne souffrent point que l'opposition d'un tiers puisse être vuidée à l'absence d'aucune des Parties comprises & dénommées dans le jugement attaqué : que le sieur Tastet se trouvant Partie principale dans le jugement du 14. Avril 1741. il étoit indispensable qu'il assistât dans l'instance en opposition qui a été formée contre ce jugement.
2°. Que quoique le sieur Tastet ait acquiescé & executé le jugement du 14. Avril 1741. il faut bien qu'il veuille prendre quelqu'interêt dans la cause en opposition, puisqu'il y conclut au remboursement des depens ausquels il a été condamné par le jugement attaqué : que sa qualité de Locataire est une pure supposition qui n'a d'autre guarant que la Quittance privée d'un prétendu loyer, extrêmement suspecte de collusion & d'antidate, puisqu'elle n'a de datte certaine que celle du 17. Juillet dernier, & qu'elle a été d'ailleurs consentie par la Dame de Nozeilles, posterieurement au jugement de condamnation du sieur Tastet, son prétendu Locataire.
Tout cela fait voir qu'elle a été fabriquée dans le cours de l'instance en opposition, pour donner à la Dame de Nozeilles un prétexte apparent à pouvoir se dire Proprietaire du Moulin à Martinet, ou de la place & Maison en dependant.
L'Adversaire s'est vû hors d'état de contredire ce que l'Exposant avoit déja observé pour faire voir que la Maison dont s'agit étoit une appartenance & dependence du Moulin à Martinet, puisqu'elle étoit destinée pour l'usage du Moulin, pour l'habitation des Ouvriers & la garde de leurs outils, & qu'elle est par consequent également Domaniale : Il seroit donc superflu de rien ajoûter à ce que l'Exposant en a déja dit dans ses précedens écrits.
Partant l'Exposant conclut à ce qu'en le recevant à la correction par lui demandée, & en lui adjugeant les autres conclusions de sa Requête du 12. de Mai dernier, debouter la Dame de Nozeilles de son opposition, & la condamner aux depens & en l'amende de 75. liv. conformément à l'Article X. du Titre 27. de l'Ordonnance de 1667. Et au surplus, sans s'arrêter à chose dite ou alleguée par le sieur Tastet & l'en deboutant, ordonner que le jugement du 14. Avril 1741. sortira son plein & entier effet, tant contre ledit Tastet, que contre la Dame de Nozeilles avec laqu'elle il sera déclaré commun ; condamner aussi le sieur Tastet aux depens le concernant.

Monsieur D'ETIENNE, President, Rapporteur.

BASERQUE, Procureur.

Continuation d'inventaire le prodt a fait dresser une Reponse a la Reqte remonstrative de la dame de nozeilles du vint neuf juin dernier et aux defenses de Louis tastet dit dabion ainsi qu'apert d'icelle duement intimée est ci produite et cotée lettre o o o - persiste

Pour copie

Baserque

Signifié le quatorze novembre 1756 a me Lecussan procureur de partie auquel ay baillé Cette Copie

Péyrebére huissier


De l'Imprimerie de SEBASTIEN HENAULT, ruë des Changes.


a me Lecussan
14. 9bre 1756.
copie de reponse et de continuation d'Invre
Pour le sieur louis Tastet dit dabion
Contre le sieur Jean lechaux douillet

Lecussan

h.