Lettre de M. Dubrena adressée à M. Soubiran fils, avocat à Mont-de-Marsan (40)

Archive privée inédite
  • Date: 04/07/1810
  • Lieu: Paris (75)

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A Monsieur
Monsieur Soubiran fils
avocat
Au Mont de marsan.
Dept des Landes



Paris le 4 Juillet 1810.

Direction générale des Ponts et Chaussées.

Monsieur et Cher Soubiran,

Pour le Coup, et avec quelqu'aparence de raison, vous n'avez pas manqué de me traiter de négligent, de paresseux et de beaucoup d'autres noms que je meriterais si éffectivement je n'avais pas repondu à vos aimables lettres. Je viens dans ce moment de recevoir une lettre d'Espagne du Général Lazowski, il me marque « Je n'ai point fait usage de votre lettre en passant au Mont de marsan ou je ne me suis pas arrêté, j'ai jetté votre lettre au feu en arrivant à Bayonne, peut être ai je fait une sottise » vous concevez par la que j'avois chargé le Gal Lazowski de vous voir et de vous remettre une lettre par laquelle je vous priais de lui être utile dans le païs pour les objets qu'il m'avait témoigné vouloir s'y procurer Comme Domestiques, Chevaux, Mulets &a je suis bien faché qu'il ait traité ma lettre aussi militairement, elle contenait des détails sur nos aimables de Paris qu'il m'est impossible de trouver actuelement dans ma mémoire, le temps éfface ces sortes d'impressions parce que le Coeur n'y la raison n'y sont pour rien, ne criais pas au Blasphême si je vous parais aussi indifferent pour les belles du College de France, pour Mme Boyer &a &a que voulez vous je ne puis pas me refondre, si elles sont aimables c'est mon goût qui a tort, si non amen.
Pour avoir un détail complet de toutes les farces que ces Dames nous ont données cet hyver, adressez vous à l'ami Bergés à qui nous en avons envoyé une collection qui a rempli au moins dix pages, qu'il vous fasse passer cet écrit original et vous n'aurez plus rien a désirer sur ce Chapitre.
Depuis que la saison a dissipé les réunions d'hyver, il se passe peu de Choses remarquables. les Demlles Cournant ont toujours le même esprit, l'une le fait tourner vers la Poésie et l'autre vers le tendre amour, le Papa et la maman ne sont plus susceptibles de Changer, ils mourront comme ils ont vecu. Mme Boyer n'est plus reconnaissable, sa maigreur est extrême, ceci est l'effet de son imagination romanesque, pour la contenter il faudrait qu'elle fut le sujet d'un second abellard, elle est rongée de l'embition de faire parler d'elle en amours. Les maris lui déplaisent ainsi que tous les amans qui leurs ressemblent. elle a demandé le Divorce et puis la separation pour obtenir le premier il eut falu être majeure, quant au second son mari n'a pas voulu porter la complaisance jusqu'a lui abandonner son bien a elle et y ajouter en même temps le sien propre. malgré ces petites absences de bon sens les deux époux habitent sous le même toit, mangent ensemble et a leur dessert ils se disent des sottises, mais ne couchent pas dans la même chambre. Le mari est un assez bon homme, il passerait sur bien de pecadilles si sa femme voulait le recevoir de temps en temps dans sa couche, mais sa peau se crispe a l'idée seule des Caresses d'un mari. j'y ai perdu mon latin en cherchant a ramener cette femme à la raison, je crois qu'il faudra qu'il faudra l'envoyer a Charenton.
M. De Lajonquiere a abandonné depuis longtemps le poste du Collège de france, en Général ce pauvre Collège est bien deçu de son ancienne splendeur. tout y est triste et retiré, il ressemble a un Couvent de vieilles filles, cependant on fait quelques fraix pour y attirer les amateurs, mais le tout en vain. Paillard n'y parait qu'aux grands repas, mais en revanche on va le voir aux tuilleries le Dimanche, où bien chez lui. Bouquin ne parait plus j'ignore si on la converti en diamant.
a Dieu, Monsieur et cher Soubiran, ma lettre se ressent un peu de la precipitation avec laquelle je l'ecris, mais accablé de besogne je suis forcé d'aller vite et j'espere au secours de votre éponge. ma femme m'a chargé ce matin de ne pas l'oublier et de vous demander si pour vous voir il faut qu'elle fasse le voyage de Gascogne ou bien si vous reviendrés a Paris. olympe vous embrasse de tout son petit Coeur.

votre affectionné et devoué

DuBrena