Lettre de Gustave adressée à Henri d'Olce, élève au pensionnat de Fribourg (Suisse)

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Monsieur henri D'Olce
élève au pensionnat
Fribourg
Suisse.




Tu sais mon cher henri, ou dumoins tu sauras quand tu auras lu ma lettre qu'il y a dans ce moment trois reines en Espagne. la Regina gobernadora, l'innocente Isabelle et enfin la reine Marie Thérèse ci devant princesse de Beïra, aujourd'hui mariée à Don Carlos, Roi d'Espagne de droit, et de fait Roi de Navarre Arragon etc. cette nouvelle reine a franchi la frontière le 16 octobre à trois heures de l'après midi, trois quarts d'heure après l'infant son neveu prince des Asturies fils ainé de Dn Carlos l'a rejoint à Maya. Comme elle n'était attendue que par le roi seul et qu'elle ne voulait pas être reconnue avant que ce roi fut prévenu de son arrivée, on n'a pu envoyer de troupes pour les recevoir, cependant une escorte capable de parer à un guet-à pens était nécessaire, et comme on se serait bien donné de garde d'écrire un seul mot, on a depéché Arthur qui était en france et c'est lui qui l'a reçue à son entrée en Espagne à la tête d'un simple piquet de vingt hommes qui croyaient escorter la femme d'un embassadeur étranger. la princesse et l'infant ont couché à Elisondo, Arthur à laissé son cheval au jeune prince, et aussitôt il est parti, chargé de dépèches pour le Roi qui se trouvait à Azcoïtia, la on lui a donné deux bataillons qui ont reçu le dix-huit les deux voyageurs à Andoain ou Tolosa je ne sais trop lequel des deux, c'est la qu'ils ont été reconnus et Dieu sait le tapage de cloches de canons, de cris de joie qui s'est entendu alors, le dix neuf il en a été de même à Azcoïtia, ou elle a été mariée le lendemain par l'évêque de Léon dans la chapelle du duc de Grenade temoin de la grandesse, avec Valdespina le père Cyrille et Erro témoins representans le conseil d'état Rejeiro ministre de la guerre et un autre ministre representant le conseil des ministres. Je regarde ces événemens comme très importans, ils peuvent avoir une grande influence sur l'issue de cette guerre et ce qui le prouve c'est le dépit des chistinos et autres honnêtes gens. Ils en sont plus enragés que des succès de Cabrera qui ne les rate pas et grandit tous les jours, c'est bien la après le grand Zumalacarreguy le plus grand homme de guerre de l'Espagne, encore même est-il plus étonnant. peut-être.
Nous avons eu pendant longtemps nombreuse compagnie à St Laurent et Montpellier. Mme Exelmans et ses deux filles ont passé quatre à cinq mois dans nos environs, Mme D'étienne y était aussi. nous avons passé nôtre été fort gaiement nous voyant fort souvent et jouant de notre mieux. tout ce monde nous a quitté le sept octobre.
Augusta Loustaunau a quitté Ste Marie depuis huit jours pour aller au couvent d'Aire ou elle doit-être si le temps lui a permis de sortir de Proust ou elle s'est arrettée. Edmond n'ayant pas encore d'emploi passe l'hiver à Ste Marie. nous nous verrons souvent je voudrais beaucoup qu'il se fit un peu chasseur, il se joindrait à Jules et à moi qui avons de grands projets pour cet hiver.
à Montpellier la famille va encore augmenter. Stanislas est le plus lutin de la troupe c'est un vrai diablotin.
Mme de Laas est mieux que lorsque tu étais ici, elle est loin d'être entièrement rétablie et je crois qu'elle doit renoncer à la bonne santé, il n'en est pas de même de Louise. Charles est très content de son école de Lorient; il y fait très bien. Georges sera sous-lieutenant l'année prochaine s'il ne fait pas de frasque.
Il y a très longtemps qu'on n'a eu des nouvelles d'Eugène Daguerre qui commande son peloton de grenadiers à Alger, son frère est monsieur sans gêne, se laisse jetter a terre par son cheval, faute de se donner la peine de le tenir et fait l'intéressant en boîtant pendant un mois dans les rues de Bayonne. [Tor xura ?] alexandre est enfin officier il est tout fureur contre les christinos, ses lettres sont remplies d'imprécations contr'eux ce que sa tante trouve très peu chrétien. Arthur le chevalier, va être capitaine s'il ne l'est déjà; hier jour de St Charles je pense qu'il y aura eu quelque promotion dont il aura fait partie. Bourrouilla se fixe au pays, son père vient de lui donner l'administration de tout son bien. Les Darricau ont perdu leur mère. Prosper est médecin à Bayonne il réussira. Salvat reste à St Geours et Augustin ne sait encore ce qu'il fera. J'ai passé chez eux en allant voir le père de Bussi à Dax
Hyacinthe fait le grand seigneur il vit en chatelain, sa soeur augusta lui tient compagnie. son père se plaint de douleurs et de goutte, il chasse encore le renard. pour notre tante elle est fort bien. nous allons bientôt voir Eulalie.
Nous sommes réduits au petit contingent, il n'y a en ce moment à Camiade que maman, Elisa, Louis Marie et moi. Caroline et henriette sont au couvent depuis le 20 octobre. Léopold est rentré à Aire pour la Toussaint et Papa et Camille sont à la Reülle le propriétaire de ce beau lieu n'a pas comme toi fantaisie de costume Tyrolien, il apprend à compter mon cher tu devrais bien en faire autant. Rien n'est si cher que les fantaisies, et dans chaque lettre tu as une nouvelle antienne à porter, tu impatientes père et mère et soit dit sans reproche, si chacun de nous se mettait a avoir de pareilles fantaisies nous n'aurions plus au bout de dix ans de quoi acheter de la méture pour vivre, il faut de l'ordre mon cher ami quelque riche qu'on soit, et souviens toi que nous sommes neuf en famille.
Adieu mon cher ami mille choses à nos anciens je t'embrasse de coeur

Gustave

5. 9bre 1838.