Lettre de M. Lajard adressée à Albert Lajard, à Bordeaux (33)
Archive privée inédite
- Date: 17/11/1858
- Lieu: Aire-sur-l'Adour ? (40)
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[La transcription peut comporter des erreurs]
Monsieur A Lajard
chez Mess. Ls Anthony & Raboutet Chevallier
Rue Ste Colombe 12
Bordeaux.
Mon cher Albert, n'ayant reçu ta lettre de Dimanche soir qu'hier, je n'ai pu y répondre à cause des occupations du marché, et aussi par suite de la très pénible impression qu'elle m'a causée. Je reçois ce matin celle de Mardi, et je réponds à toutes deux - C'est le premier chagrin que tu me donnes, mon enfant, et c'est peut être pour cela que je le ressens si vivement. Te dire ce que j'éprouve de douleur à te refuser ce que tu parais désirer si vivement est au dessus de mes forces. Je n'ai pas souvenir de t'avoir jamais rien refusé de ce que tu m'as demandé; et si je commence aujourdhuy il faut que le sentiment de mes devoirs et de mon amour de père soit bien fort, pour voir ta peine & y résister - Mon bon ami, nous avons cent fois ensemble raisonné et calculé ton avenir, nous avons adopté un plan de conduite; et tu voudrais y renoncer au moment où toutes les difficultés préliminaires sont vaincues - Ce n'est pas possible - Car ne t'abuses pas, ce que tu me demandes, c'est la ruine de tes projets et de tes espérances, c'est l'habitude du far niente la perte des bonnes habitudes et l'impossibilité de les reprendre plus tard; en un mot c'est renoncer à toute espérance d'une profession utile et honorable - Je ne puis pas y consentir, mon ami, j'ai fondé sur ton avenir trop d'espérances pour toi, pour nous tous, que je ne dois pas y renoncer quoiqu'il m'en coûte de te causer ce premier chagrin - Il est tout à fait inutile que je réfute un à un les arguments si faibles pourtant que tu mets au service de ta demande; d'avance tu leur as oté toute autorité en écrivant cette phrase si vraie Je le vois bien, je ne suis pas raisonnable, mais tu me pardonneras ! Certainement je te pardonne, mais mon pauvre coeur est bien malade -
Parlons raison maintenant, mon ami - Tu souffres de ne plus être près de nous, nous le comprenons d'autant mieux que cette séparation nous est aussi extrèmement pénible - Qu'elle s'accomplisse à présent qu'elle ait été retardée de quelques mois, il fallait y venir un peu plus tôt ou un peu plus tard - C'est maintenant un fait accompli, ne nous exposons pas à renouveller de telles blessures - Pour les guérir, il n'y a qu'un remède, mais il est certain, infaillible: c'est la reprise d'occupations régulières, le travail sérieux, non pas seulement de la main, mais de l'intelligence - Ne dévions pas de la ligne que nous nous sommes proposé de suivre, aies constamment les yeux fixés sur le but à atteindre; et tu trouveras dans le travail de ton esprit un dédommagement de tes années momentanées -
Tout le monde ici sait que tu ne reviendras pas & que tu vas travailler à Bordeaux; tout le monde parents & amis, nous félicitent de cette résolution, c'est donc à n'y pas revenir =
Ce que tu me dis de l'état de ta marraine n'est que spécieux - Un moment lucide ne peut-il pas reparaître, où elle manifeste verbalement des volontés qui seront respectées ? Et de la main a la main que ne peut elle pas faire, si la force de vouloir lui revient ?
Je ne vois aucun inconvénient non plus dans ce que t'a dit mr Rambaud - Il importe peu en effet que tu travailles chez lui en qualité de clerc ou de volontaire pendant cette première année - Tu n'as jamais eu l'espoir d'obtenir une rétribution de ton travail à tes débuts, ni moi non plus - Je t'envoie ma lettre pour madame Mocquard; tu iras la lui porter le plus tôt que tu le pourras, et tu accepteras dans l'étude les fonctions que monsieur Rambaud t'assignera - C'est à la fois un désir que je t'exprime, une prière que je te fais. Je me déchire le coeur en te les adressant, j'en serai récompensé plus tard par tes remerciments -
Quant à ton établissement, je crois que le mieux pour toi sera d'accepter les offres de la tante Seignouret pour le logement et les soins de ton linge. Je ne lui en écrirai [cepend... masqué] qu'après avoir reçu tes impressions - Et quant à la nourriture tu verras avec Anthony ce qu'il y aura de mieux à faire pour tes déjeuners de chaque jour et tes diners - pour l'article diner il te sera plus avantageux de ne les prendre qu'au cachet -
Cette lettre est trop intime pour que tu la communiques à personne; et elle me coute trop à écrire pour que je songe à te parler d'autre chose - Adieu donc, mon ami, je t'aime et t'embrasse tendrement -
chez Mess. Ls Anthony & Raboutet Chevallier
Rue Ste Colombe 12
Bordeaux.
Mercredi 17 Nov.
Mon cher Albert, n'ayant reçu ta lettre de Dimanche soir qu'hier, je n'ai pu y répondre à cause des occupations du marché, et aussi par suite de la très pénible impression qu'elle m'a causée. Je reçois ce matin celle de Mardi, et je réponds à toutes deux - C'est le premier chagrin que tu me donnes, mon enfant, et c'est peut être pour cela que je le ressens si vivement. Te dire ce que j'éprouve de douleur à te refuser ce que tu parais désirer si vivement est au dessus de mes forces. Je n'ai pas souvenir de t'avoir jamais rien refusé de ce que tu m'as demandé; et si je commence aujourdhuy il faut que le sentiment de mes devoirs et de mon amour de père soit bien fort, pour voir ta peine & y résister - Mon bon ami, nous avons cent fois ensemble raisonné et calculé ton avenir, nous avons adopté un plan de conduite; et tu voudrais y renoncer au moment où toutes les difficultés préliminaires sont vaincues - Ce n'est pas possible - Car ne t'abuses pas, ce que tu me demandes, c'est la ruine de tes projets et de tes espérances, c'est l'habitude du far niente la perte des bonnes habitudes et l'impossibilité de les reprendre plus tard; en un mot c'est renoncer à toute espérance d'une profession utile et honorable - Je ne puis pas y consentir, mon ami, j'ai fondé sur ton avenir trop d'espérances pour toi, pour nous tous, que je ne dois pas y renoncer quoiqu'il m'en coûte de te causer ce premier chagrin - Il est tout à fait inutile que je réfute un à un les arguments si faibles pourtant que tu mets au service de ta demande; d'avance tu leur as oté toute autorité en écrivant cette phrase si vraie Je le vois bien, je ne suis pas raisonnable, mais tu me pardonneras ! Certainement je te pardonne, mais mon pauvre coeur est bien malade -
Parlons raison maintenant, mon ami - Tu souffres de ne plus être près de nous, nous le comprenons d'autant mieux que cette séparation nous est aussi extrèmement pénible - Qu'elle s'accomplisse à présent qu'elle ait été retardée de quelques mois, il fallait y venir un peu plus tôt ou un peu plus tard - C'est maintenant un fait accompli, ne nous exposons pas à renouveller de telles blessures - Pour les guérir, il n'y a qu'un remède, mais il est certain, infaillible: c'est la reprise d'occupations régulières, le travail sérieux, non pas seulement de la main, mais de l'intelligence - Ne dévions pas de la ligne que nous nous sommes proposé de suivre, aies constamment les yeux fixés sur le but à atteindre; et tu trouveras dans le travail de ton esprit un dédommagement de tes années momentanées -
Tout le monde ici sait que tu ne reviendras pas & que tu vas travailler à Bordeaux; tout le monde parents & amis, nous félicitent de cette résolution, c'est donc à n'y pas revenir =
Ce que tu me dis de l'état de ta marraine n'est que spécieux - Un moment lucide ne peut-il pas reparaître, où elle manifeste verbalement des volontés qui seront respectées ? Et de la main a la main que ne peut elle pas faire, si la force de vouloir lui revient ?
Je ne vois aucun inconvénient non plus dans ce que t'a dit mr Rambaud - Il importe peu en effet que tu travailles chez lui en qualité de clerc ou de volontaire pendant cette première année - Tu n'as jamais eu l'espoir d'obtenir une rétribution de ton travail à tes débuts, ni moi non plus - Je t'envoie ma lettre pour madame Mocquard; tu iras la lui porter le plus tôt que tu le pourras, et tu accepteras dans l'étude les fonctions que monsieur Rambaud t'assignera - C'est à la fois un désir que je t'exprime, une prière que je te fais. Je me déchire le coeur en te les adressant, j'en serai récompensé plus tard par tes remerciments -
Quant à ton établissement, je crois que le mieux pour toi sera d'accepter les offres de la tante Seignouret pour le logement et les soins de ton linge. Je ne lui en écrirai [cepend... masqué] qu'après avoir reçu tes impressions - Et quant à la nourriture tu verras avec Anthony ce qu'il y aura de mieux à faire pour tes déjeuners de chaque jour et tes diners - pour l'article diner il te sera plus avantageux de ne les prendre qu'au cachet -
Cette lettre est trop intime pour que tu la communiques à personne; et elle me coute trop à écrire pour que je songe à te parler d'autre chose - Adieu donc, mon ami, je t'aime et t'embrasse tendrement -
Ton bon père
L
L
- LAJARD Albert
- ( - >1891 Aire-sur-l'Adour ? )
Lettre de M. Lajard et Palmyre adressée à Albert Lajard, à Bordeaux (33) Archive privée inédite Nouveau
Date: 17/12/1858
Lieu(x):
Aire-sur-l'Adour
? (40)
>> Fonds des familles Lajard et alliées (Doris, etc.)
Lettre de M. Lajard adressée à Albert Lajard, à Bordeaux (33) Archive privée inédite
Date: 28/03/1859
Lieu(x):
Aire-sur-l'Adour
? (40)
>> Fonds des familles Lajard et alliées (Doris, etc.)
Lettre de M. Lajard adressée à A. Lajard, à Bordeaux (33) Archive privée inédite
Date: 03/05/1859
Lieu(x):
Aire-sur-l'Adour
(40)
, Lannux (32)
>> Fonds des familles Lajard et alliées (Doris, etc.)
Lettre de M. Lajard adressée à A. Lajard, à Bordeaux (33) Archive privée inédite Nouveau
Date: 07/06/1859
Lieu(x):
Aire-sur-l'Adour
? (40)
>> Fonds des familles Lajard et alliées (Doris, etc.)
Lettre de M. Lajard adressée à A. Lajard, à Paris (75) Archive privée inédite
Date: 10/03/1862
Lieu(x):
Aire-sur-l'Adour
? (40)