Lettre de M. Marrast neveu adressée à Mme Marrast, née Rechede, à Villeneuve-de-Marsan (40)

Archive privée inédite
  • Date: 26/10/1816
  • Lieu: Bayonne (64)

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à Madame
Marrast, Née Rechede.
à Villeneuve des Landes
Par Mont-de-Marsan



Bayonne le 26 8bre 1816.

ma lettre de jeudi dernier, ou dis-je, de mardi, t'aura satisfaitte, Ma bonne amie, soit sous le rapport de ma santé, soit sur le compte de nos Enfans que tu auras Embrassé ce matin, je l'espère: je vais passer aux autres points de la tienne du 21 du court.
ce que tu me dis de mon frère ne me surprend pas & rentre parfaitement dans le tableau que je me suis fait moi même de sa position; elle doit étre affreuse! et ce qu'il y a d'Extraordinaire, c'est qu'il ne prenne aucun parti pour l'améliorer. et moi aussi, chère silvie, je voudrois étre en état d'aller a son sécours; mais vains desirs encore, il faut le faire attendre, car je ne puis rien dans ce moment.
dès mon retour de cambo, j'ai eu des éxpliquations avec Mrs Dubrocq et leur ai franchement dit que ma situation étoit Insuportable et que je voulois en terminer de maniére ou d'autre. ils m'avaient dabord promis d'envoyer quelqu'un pour faire vériffier l'Inventaire & que s'il étoit sans érreurs materielles qu'ils tiendraient la promesse qu'ils m'avaient faitte. le lendemain je les vis de nouveau, et alors ils me firent de nouvelles propositions, aux qu'elles je ne voulus point souscrire; il étoit quéstion de les mettre en Possession de toutes les Marchandises, creances & Immeubles jusqu'a ce qu'ils seraient couverts de toutes leurs avances. je leur signiffiai que mon parti étoit pris, que j'allois me déclarer et qu'ils subiraient le sort de mes autres creanciers. ils me sollicitèrent de n'en rien faire & de tacher plutot de faire prendre des Marchandises aux prix des factures moyennant la remise de 25 p%; qu'eux mêmes souscriraient a cela, pourvu que je leur remisse tout en toiles courantes et d'un débouché facille. je leur repliquai que si je faisois cette nouvelle proposition a mes creanciers qu'ils m'enverraient a paitre et que je n'en finirois jamais: qu'au reste j'allois me consulter. j'ai vu Bastiat et Monclar son Beau frère. ce dernier est un bon avocat & parfait négociant; il veut me servir, me guider & conseiller comme ami, il m'a renvoyé a ce soir vers 4 heures pour me faire part de ses refléxions. chegaray Préside le Tribunal de commerce; lui et ses collégues m'ont dit tour-a-tour, qu'ils éluderaient autant qu'ils le pourraient de me faire déclarer a moins que cela n'entrat dans mes vues; mais qu'en me déclarant, je n'aurois pour juge commissaire, pour agens et sindics que ceux que je voudrois et que mon sort dépendoit de cela que je le savois. j'entendrai donc Moncla & suivrai ses avis. si je me déclare, je ferai tout mon possible pour me conserver qque chose; mais malheureusement j'y ai été de bonne foi avec Mrs Dubrocq, puisqu'ils ont coppie Exacte de mon Inventaire: Enfin, j'en ferai pour le mieux.
je consens très fort que tu vendes le fléau et les Platteaux; cela vaut beaucoup d'argent et n'en finisse pas du prix sans mon avis.
d'après Marianne, nous avons de la graisse pour toute l'année si tu fais qques oyes.
fais presser les vendanges et si tu m'en crois fais une vente simulée du vin, pour qu'en cas d'événement il nous reste.
j'ai bien muni silvain de Hardes. il a eu bien du chagrin a son départ & moi aussi. garde Marrast jusqu'à ce que mon sort se décide; je veux lui épargner la peine qu'il auroit si je me déclarois, des mesures que l'on prend en pareil cas. j'ai chargé hier dans le Batteau de Dubedout, une caisse a l'adresse de Mme Vve Barrère, Port Payé; elle contient du linge, des Habits des Enfans, une Pierrée de chocolat qui me coute 12 francs, que tu pourras vendre; qque livre pour silvain & le petit Rouet: fais la reclamer.
cy joint un Mandat de f 150 pour le premier trimestre de la Pension de silvain.
d'après Vidal notaire, la Procuration que je t'ai donnée est bonne a tout: explique-t-en avec Mr Broqua, et ne faisons pas une nouvelle dépense inutile. dès qu'il te l'a faudra, tu l'a recevras si l'autre ne peut te servir.
Madeleine partit jeudi pour aller voir ses Parens; je lui ai dit d'y rester jusqu'à ce que je reclame son retour: je me propose de lui faire savoir qu'elle m'est superflue.
je suis charmé que ta Belle soeur soit enceinte; j'entre dans le plaisir que ton frère doit en avoir. fais leur bien d'amitiés a tous.
adieu, ma Pistache, je t'aime toujours beaucoup.

Marrast Neveu