Lettre de Venance adressée à Mme de Castarède, au château de Taillefer

Archive privée inédite
  • Date: 21/07/1851
  • Lieu: Bayonne (64)

© Toute utilisation de cette transcription est soumise à autorisation

[La transcription peut comporter des erreurs]


Basses Pyrénées
Madame de Castarède
au château de Taillefer.
Près Pau.



Bayonne ce 21 Juillet.

Vous m'avez dit, chère & bonne tante, toute l'indulgence inépuisable que Contient le Coeur d'une femme, j'ai besoin de songer à ces douces paroles & surtout à ce qu'elles promettent pour oser vous demander pardon de mon ridicule silence. Si j'avais encore une excuse plausible! Mais hélas je n'en ai point. Je suis resté souffrant, & par contre fort triste pendant les premiers jours qui ont suivi mon retour. Je n'osais donc point Vous écrire. J'eusse craint, après vous avoir fatigué de ma maussaderie a Taillefer de vous donner encore du noir en faisant une élégie au lieu d'une lettre. Puis je me suis mis a remettre au lendemain, & Dieu sait ou je m'arrête lorsque cette fatale idée me survient. puisque j'ai attendu un jour je me dis que je peux en attendre un second & de là je passe aux semaines. J'en enrage mais en attendant je suis bien coupable. car, si je n'oublie pas j'en ai l'air & hélas ne juge t'on pas souvent sur les apparences! pour en finir, ma bonne tante, permettez moi de vous dire combien je vous aime toujours & l'espérance que j'ai d'obtenir mon pardon de vous. pour peine vous devriez bien venir passer quelques jours à biarritz. il y a deja du monde. Vous y retrouveriez quelques connaissances périgourdines & parmi elles toute la famille de Malet. Ermecinde s'y amuserait & pour vous même cela vous ferait du bien. Je serais heureux de vous y servir de cicérone. puis il y aura des courses de taureaux à St Sébastien. on dit qu'elles seront fort belles. la petite cousine meurt d'envie de voir cet affreux spectacle. ce serait bien le cas ce me semble, de le lui laisser voir. c'est si près de Biarritz. en moins d'une Journée on s'y transporte.
J'ai reçu dernièrement des nouvelles des Montcabrié. ils doivent venir dans les premiers Jours d'août. Je les attends avec impatience. Paul m'annonce egalement l'arrivée d'une quantité de personnes de Pau, la silhouette un peu cuivrée de Madame Séguer se trouve au premier rang. en est il toujours occupé? Il m'annonce aussi Madame Wilbanck. Je suis curieux de voir cette Jeune femme qu'il m'a dépeint sous des traits si flatteurs, & qui, je le crois, ne mérite guère tous les hommages qu'il lui rend. du reste, chère tante, si ce coqueton volage veut butiner sur toutes les fleurs de la plage de Biarritz il aura beaucoup à faire. il y a en ce moment bien des femmes Jolies & quelques unes entre autres qui sont vraiment tout à fait charmantes. Mes pauvres yeux sont obligés de s'incliner devant certains types Espagnols. Je ne croyais point en arriver là. Je n'aime pas les femmes de ce pays, il y en a une cependant, une délicieuse blonde, la [miss?] de ... au nom atroce, vingt cinq ou trente consonnes à la suite les unes des autres. Je l'aime mieux que son nom & surtout que son mari. ce dernier est un vrai grand d'espagne. Jeune, rachitique, vantard, fat & sale. il est complet. Mais en voilà assez sur Biarritz, vous le jugerez par vous même, ma bonne tante, dans quelques jours. J'y ai appercu une tête de connaissance commune, celle d'un artiste à propos duquel je vous ai fait de la peine. J'etais avec les dames de Malet, je ne lui ai donc rien dit. Comptez sur moi pour vous tenir au courant de tout ce qui pourrait vous intéresser à son sujet, & surtout confiez vous à ma prudence. elle ne vous fera point défaut.
Adieu, ma bonne & chère tante, soyez auprès de tous les habitants de Taillefer l'interprête de mes plus affectueux souvenirs. dites à ma bonne grand'tante que son vaurien de neveu l'aime de tout son Coeur & ne l'oublie pas, pour vous, chère tante, je vous renouvelle l'assurance de mes sentiments bien dévoués.

Venance.