Lettre de M. Pradier adressée à M. Portets, à Saint-Sever (40)

Département des Landes
A Monsieur
Monsieur Portets
a Pimbo
a st sever

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Je ne puis pas m'abuser, mon cher monsieur, sur l'Etat affligeant de la santé de mon épouse; ce n'est point la sentence prononcée par les mèdecins qui me porte à craindre de la perdre, c'est la nature de sa maladie, le peu de ressource qu'offre un temperament foible et délicat; ce sont des tubercules dans une poitrine seiche qui ne résistera pas aux premiéres fraicheurs qui dépouilleront les arbres
cette situation est d'autant plus penible pour moi, qu'il m'est impossible de m'accoutumer à l'idée de cette terrible séparation. je sais que le temps affoiblit la douleur, c'est encore un bien fait du créateur, mais le moment cruel !
Je suis bien sensible à vos généreuses propositions; la premiére est inexécutable, soit parce que Me Pradier n'est pas en état d'Etre transporté et que la ville a plus de charmes pour elle que la campagne qu'elle n'aimat jamais habiter, soit parce qu'elle est plus à portée des soulagemens que peut lui procurer l'art de la mèdecine et la présence des mèdecins.
quant à la seconde, mon Cher monsieur, le besoin indispensable ou je serai de travailler pour me distraire de ma douleur, pour etre à même de payer, sans me réduire à des privations, le domaine de M. marsan, si je ne parviens pas à le faire anuller, n'en ayant plus besoin, si je pers cette épouse cherie pour qui je travaillois sans cesse à fin de la laisser dans l'aisance, si je ne pouvois pas la remettre dans l'abondance ou elle étoit avant la révolution, me force d'ajourner l'exécution de ce projet deja formé, qui me plait, me satisfait en me consolant par l'espoir de n'Etre pas isolé, même dans un paÿs loing de celui qui me vit naitre et ou est toute ma famille dont je ne reçois aucune nouvelle quoique j'eusse Ecrit à mon beaufrere le 4 avril dernier et qui ne m'a pas répondu.
je n'avois pas perdu de vue, mon Cher portets, cette proposition flateuse faite dans un tems avec cette cordialité qui caracterise et votre Epouse et vous même; depuis longtemps je murissois par la réflexion et ma position présente et celle avenir, mais l'Espoir de Conserver cette tendre épouse que je soignois avec précaution, les apparances trompeuses d'un rétablissement qui se renouvelloint chaque fois que sa santé éprouvoit quelque échec, détruisoint toutes les chimères formées et accroissoint mon gout pour le travail qui me mettoit à même de faire des reserves que je voulois lui assurer pour le temps ou mes forces ne me permettroint plus un travail actif et mieux encore, si je venois à lui manquer.
Je sens donc bien le prix de cette derniére proposition, je vous en voue une réconnaissance éternelle ainsi qu'a votre chere moitié; je vous verrai dès que je le pourrai; je vous consulterai l'un et l'autre sur un avenir qui m'effrait, parce que je vai me trouver en bute à des propositions qui pourroint plaire à un autre qu'à moi et dont je ne saurai peut-etre pas me défendre, sans hurter ou blesser les personnes qui me les feront, ce qui dérangeroit grandement des plans formés
il est à présumer encore que je vous verrai avant la fin de l'année, ainsi attendés vous a en apprendre le jour
je n'ai appris que par Mlle Ladoue et M. Laborde que dans le bien de M. marsan il y avoit une métairie qui venoit de M. Lafitte; je ne l'aurois pas même marchandé, si j'en eusse été instruit.
assurés Me Portets de mon respectueux et sincère attachemt et vous, mon Cher Portets, soyés assuré que vous n'avés pas de meilleur et de plus devoué ami que votre affectionné

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3 7bre 1811